mercredi 24 octobre 2012

Rêve néo calédonien ...

Il est 4h30 du matin, je me réveille par manque de sommeil, dans une chambre d’hôtel de Nouméa. J'aurais pu dormir une bonne heure de plus mais rien à faire, foutu décalage horaire. Je suis arrivé en Nouvelle Calédonie la nuit précédente durant laquelle j'ai dormi ... 4 h également. Si j'ajoute à cela que je n'ai difficilement somnolé que 3 ou 4 heures lors du trajet en avion qui m'a amené jusqu'ici, je ne comprends pas bien comment je peux me réveiller à 4h30 du matin sans avoir sommeil.

Qu'importe, c'est mon second et dernier jour sur place et j'ai bien l'intention de ne pas le perdre à dormir. La veille a été consacrée au but premier de mon déplacement: une mission professionelle. Mais aujourd'hui (ou plutôt demain très tôt), mon avion ne part qu'à 1h45 donc ça me laisse quartier libre pour la journée complète. Pour l'occuper au mieux, j'ai pris rencart un peu avant de partir avec Etienne Picquel, un ami de Sylvain, guide de pêche en Nouvelle Calédonie. Il m'a prévu une sortie, MA première pêche "exotique" aux leurres.

En arrivant sur l'île j'ai pris peur en voyant les trombes d'eau tomber et le vent à 50 km/h courber les palmiers.



Mais Etienne m'a rapidement rassuré:

"Demain, on aura des éclaircies mais le vent restera fort, on verra. De toute façon, ne t'inquiète pas, tu ne retourneras pas chez toi sans avoir pêché !"

La garantie de pêcher, je n'en demande pas plus. Plus que quelques heures maintenant. Je replie soigneusement ma valise et prends une douche pour passer le temps. A 5h15, j'entreprends de négocier un petit dèj à l'hôtel .... gagné ! Le service ne commence normalement qu'à 6h mais ils ont déja reçu le pain et ils allument la machine à café rien que pour moi. Parfait ! je ne partirais pas le ventre vide, et puis ça passe le temps...

Je retrouve Etienne et Pierre à 6h30 pour une session covoiturage jusqu'au lieu de pêche. Pierre est un ami à lui, habitué des lieux. Il sera mon compagnon de pêche du jour.
Je suis incapable de juger de la durée du trajet qui nous a mené jusqu'au port à sec ou Étienne stock son bateau. Les discussions ont été bon train, pèle pèle les sandres de hollandes, ceux du Rhône, les brocs, et bien sûr ... la pêche en Nouvelle Calédonie !

J'apprends ainsi que nous allons tenter de pêcher les fameuses carangues GT, Giant Trevally de son nom anglais ou Caranx ignobilis de son nom scientifique. Etienne me brieffe sur la technique de pêche, les animations, les leurres, le combat ... tout y passe, je me sens prêt. Tout ça me parait toutefois virtuel, je suis déphasé par le décalage horaire, sur une île ou rien ne ressemble à chez moi, en train de parler de pêcher des poissons de magazines.

L'arrivée au bateau rend les choses tout de suite plus concrêtes. On va être bien installé, il est spacieux, bien ouvert pour la pêche et motorisé de deux moteurs de 100 cv, ça va le faire !



En préparant le matos, je reprends quelques repères, retrouve mes automatismes: Faire le plein, charger le matos, monter les cannes, puis soudain je tombe sur une trousse à leurres ... !?



A nouveau je perds pied ...  Absolument pas familiarisé avec ce type de pêche je bloque sur les popeurs de 25 cm dont la face avant est grosse comme un fond de gobelet. La plupart est lacérée de profondes entailles. Je dois rêver, je vais me réveiller mais quand ?



Dès la mise à l'eau effectuée, on s'équipe d'habits de pluie. Pour ma part, voyageant légé, je n'ai rien mais Étienne m'a prévu une tenue compléte que j'enfile sans poser de questions. Si la mise à l'eau s'effectue dans un secteur abrité, le vent est bel et bien là, au moins une vingtaine de nœuds déjà. Le trajet s'annonce chaud ! ou plutôt humide ...

En s'éloignant du rivage, je comprends mieux la morphologie des lieux. On navigue sur d'immenses plateaux protégés par la barrière de corail. Au loin, on l'aperçoit ... ou plutôt on aperçoit les vagues qui déferlent dessus.


J'essaie de percer la surface, quelques patates de corail ici ou là, des grands plateaux sableux, quelques chenaux plus profonds, tout cela semble paradisiaque. Une tache noire vraiment grosse attire mon attention. "Raie" m'indique Étienne, le dépaysement est total.

Arrivé sur site, la pêche commence par le réglage du frein au pezon:

"serre un peu, encore ... 11 kg, ok " me dit Étienne en souriant, je comprendrais plus tard ce que signifie ce sourire.

Passer les deux/trois premiers lancés de rodage, dont un qui atterrit dans le bateau derrière moi, le rythme est pris. Pêcher avec des gants, c'est pour le sandre par -10°, dans ce contexte ça fait bizarre.

"obligé, sinon, tu vas te tuer les mains" me dit Étienne. Un autre monde... en même temps, vu le poids de l'ensemble canne, moulinet 6000 et monstrueux stickbait, je les apprécie rapidement.


L'assistance d’Étienne est parfaite en plus de mener le bateau de poste en poste, au travers des vagues et du vent, il me guide dans les lancés, puis me répète assez régulièrement, surement pour me faire plaisir, "que je fais du bon boulot". Ça fait quand même du bien à entendre parce que très honnêtement, entre les vagues, le vent et le comportement totalement erratiques des leurres, je suis incapable d'en juger moi même. Reste à tenir le rythme maintenant.

Assez rapidement Pierre se fait suivre par un premier poisson que je ne verrais pas, trop concentré sur mon leurre. Puis c'est mon tour, un poisson d'une rapidité surprenante sort de nul part et colle mon leurre sans s'en saisir. Une sortie de l'eau de celui-ci en haut d'une vague brise mes chances de le piquer mais ça y est, c'est devenu concret, je pêche !

On file de poste en poste, le vent forcit. Etienne ponctue la pêche de "houla, là il y a une rafale, c'est pas loin d'être impêchable". Au bout de la troisième fois qu'il le répète (à raison), je commencerais à le charrier avec un "on dirait même que le vent va se mettre à souffler si ça continue", ça deviendra le leitmotiv de la journée.




Alors que l'heure du repas approche, les occasions sont restées peu nombreuses et infructueuse mais rien ne peut désormais me détourner de la pêche, je veux au moins voir un poisson. Soudain j’entends Étienne s'écrier:

"hola !! elle est énoorme ! plus de 50 kg !"

Je me retourne et je vois Pierre attelé, ça tire sévère... On est en bordure d'un récif, le moment est délicat, Etienne fonce sur le poisson et le dépasse pour lui barrer la route du récif. La manœuvre réussit, le poisson est sous le bateau mais une légère détente dans la ligne lors d'un déplacement de Pierre et du bateau conduit à la perte du poisson ... Merrrde, essayant maladroitement de remettre ma canne dans le support de canne, j'ai pas eu le temps de la voir, maudite carangue. Pierre est au fond du trou.

On continue un peu mais finalement ce sera l'heure du repas, le temps d'avaler un sandwich "jambon/omelette". Je n'ai pas vraiment faim, en fait j'ai faim la nuit, mais ça passe bien quand même. La journée est quand même sacrément entamée puisque en ce moment il fait nuit à 17h. Tout est encore possible mais le vent forcit de plus en plus, on passe les 30 noeuds maintenant. 



L'ambiance reste excellente, je passe une super journée, le vent et la houle ne me gène pas tant qu'on pêche. Et ça reste tout a fait pêchant même si désormais, on ne voit plus du tout le fond de l'eau et qu'on ne devine plus les récifs. On se fie à Étienne qui nous garantit, points gps à l'appui, que ça pêche ... on insiste.

"houla, là il y a une rafale, c'est pas loin d'être impêchable"

35 nœuds, on est obligé de monter des leurres encore plus lourd ... mais ça pêche. D'ailleurs ...


Yes ! Pierre est attelé, je trouve ça gros mais d'après eux, non.


 
Ce n'est pas une GT mais une carangue goutte d'or, une petite sœur. Je suis déjà ravi de voir de près un des ces poissons. C'est bon ça !

La pêche reprend, le moral est bon je ne lâcherais rien avant la nuit. Les lancés sont de plus en plus longs, je commence à "sentir" le leurre, ça pêche ...

Soudain un poisson me suit ...  j'accélère, il prend, je ferre ! argh, je glisse à moitié et je le manque ... Je suis nu pied, tout est mouillé j'ai pas trop d'adhérence.

"Il suit encore !" me lance Étienne.

Je continue l'animation ,il prend à nouveau, ferrage ! et re-manqué ... pas croyable ...

"Il suit encore !" me lance Étienne qui commence à se marrer

Je re-twitch mon gros stick, le poisson s'énerve à nouveau, il prend, je ferre ! et re-re-manqué ... je suis le roi des burnes. Je tiens à peine sur mes pieds et les ferrages ne portent pas. Je me rends compte qu'avoir retiré mes chaussures n'était pas une bonne idée.

"Il suit encore, c'est pas possible !"

Ce poisson là, il me veut ! Je n'ai toujours pas arrêté l'action si bien qu'une quatrième fois, la carangue met un coup de dent rageur dans le leurre et se pique, je me retrouve attelé ... enfin.
Au premier rush, je manque de me casser la figure mais je me cale comme je peux contre la coque et le combat démarre plein pot. La puissance du poisson est impressionnante, je vacille plusieurs fois mais je tiens bon. Dès le rush terminé, il faut pomper, jusqu'au prochain rush, et ainsi re-belotte. Les muscles des bras tétanisent très vite et c'est avec soulagement que je vois Etienne attraper le shock leader, marquant la fin de la bataille.

Le poisson est énorme, j'en crois pas mes yeux, c'est magnifique. Ce poisson était gentil, sans doute n'a t'il pas voulu que je reparte bredouille chez moi. Parfois çà arrive, j'exulte et profite du moment.
 



C'est un poisson d'environ 23 kg, magnifique !

La pêche reprend et rapidement je prends un nouveau suivi, puis une touche ... manquée ! En fait je ferre trop vite, habitué aux touches éclaires des brocs pénibles, je ne laisse pas une demi seconde au poisson avant de ferrer. C'est pas vraiment naturel pour moi de rendre à la touche en pêchant avec des leurres durs mais en même temps, quand on voit les marques de dent sur les leurres, ils ne doivent pas le trouver si dur que ça, le leurre. Ce poisson ne me laissera pas d'autre chance. Mais on tient un groupe et Pierre se trouve à son tour avec un poisson. Il y a 4/5 carangues énervées qui suivent, je m'éloigne un peu de lui et tente un lancé ... rapidement intercepté par un second poisson, doublé !

C'est là que j'ai réellement souffert ... le premier rush du poisson se produit tendit que je suis sur le côté opposé du bateau, pour laisser la place à Pierre de combatre. Comme je n'ai rien pour me retenir je me fais violement tracté, je perds l'équilibre et je traverse le bateau sur le dos, la canne au bout d'une main seulement. Je rebondis contre deux caisses, me cogne dans divers objets sur mon trajet et m’arrête en boule le long du tableau arrière, le bras tenant la canne par dessus le franc bord. Je suis totalement dominé et bien obligé d'attendre dans cette position inconfortable que le premier rush s'achève pour tenter de me remettre debout. Finalement je me remets debout mais le plus dur est encore devant. Plusieurs patates de corail peuvent nous enlever nos prises mais comme nous sommes maintenant deux en prise avec un poisson, Étienne ne peut les suivre et c'est donc à nous de les amener au bateau ... chaud. J'ai mal partout, mes bras sont tétanisés, et un marteau cogne dans ma tête. J'ai jamais tant souhaité la fin d'un combat mais finalement après un temps indéterminé le shock leader sort de l'eau et Étienne s'en empare.... enfin délivré.

Je me demande si finalement c'est pas le poisson qui m'a ferré ... et m'a bridé fermement afin de me faire sortir de ma cache avant que j'arrive à m’accrocher à quelque chose. Et bien c'est raté mr le poisson ! J'ai tenu bon, mais ça s'est joué à un cheveu ...

Je force un sourire pour la photo, ces deux poissons font dans les 25 kg d'après Étienne ...


 
 


 
Il reste 15 mn de pêche tout au plus, les chances de prendre encore une carangue sont malgré tout élevée ... hélas.
J’évite soigneusement tout ce qui ressemble de près ou de loin à un poisson ou à un poste prometteur et la partie de pêche se termine sans encombres. Je rentre ainsi sain et sauf ...

Sur le retour des dauphins nous suivent, la preuve cette photo:




Regardez mieux, je vous jure qu'il y est. Au passage, nous avons également croisé quelques tortues, barracuda ... ce lagon est d'une richesse incroyable.

L'after pêche se déroulera chez Étienne, avec des bières et une pièce de bœuf. Je me souviendrais longtemps de la Nouvelle Calédonie, de ses poissons, et de l’accueil d’Étienne. Si vous voulez souffrir, je vous conseille de le contacter (mail), il vous règlera le frein sur 11 kg et vous ne serez pas déçus. Plus sérieusement le guidage était impeccable et je ne m'attendais pas en voyant le météo que nous puissions pêcher. Et pourtant nous avons pêché et bien pêché, grâce à son équipement, son maniement du bateau et sa connaissance des lieux. C'est important dans un voyage de pêche de pouvoir s'affranchir autant que possible de la météo car c'est le seul paramètre que l'on ne choisit pas ...

Lors du retour en avion, j'ai dormi 15 h. Je suis rentré chez moi, c'était le soir, et j'ai dormi à nouveau 15 h.

En me réveillant j'ai jeté un œil sur l'appareil photo ... non je n'ai pas rêvé, j'étais bien à l'autre bout de la terre la semaine qui vient de s'écouler. Tout cela me reste en mémoire dans un halo de brume, comme une parenthèse confuse dans mon quotidien, sans être capable de m'en remémorer précisément tous les instants.

Tiens j'ai une griffure au cou, un bleu à la hanche droite, la gauche aussi ... qu'est ce qu'il a ce mollet ? Pas de doutes, j'y étais !


 
 
 

13 commentaires:

  1. Quelle chance d´y etre au bord de la mer turqoise, plus, des poissons jeants !!.....:)

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  2. Fantastique ! Quelle puissance ces carangues !
    Fais quand même gaffe, Quentin, les 120cm vont finir par te sembler tout mous...

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    1. c'est très bien les poissons qui ne se battent pas, tu peux en prendre plus ... vivement les sandres tiens !

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  3. Veinard !!! ta mal j'espère
    Will

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    1. aujourd'hui, trois semaines après être rentré, j'ai encore des bleus .... :)

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  4. Ca c'est de l'article ! ;) Quelle chance !
    Je vais sûrement rêver d'une belle pêche en NC cette nuit mais demain...je n'aurais pas d'hématomes...Hélas !

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  5. ça dépote ! un peu trop pour toi mais bon... là tu faisais moins le malin qu'avec les brocs ^^

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  6. ça te dresse un homme les poissons marins...le mieux aurait été de pêcher avec la linder!

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